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Accueil du site > Tribune Libre > « Pas d’histoire officielle en France ! »

« Pas d’histoire officielle en France ! »

Cette déclaration publique et péremptoire de M.Chirac, le 9 décembre dernier, sonne faux ! Il en aura fallu, du temps, en effet, pour que soient reconnus certains des aspects cachés de notre histoire « honteuse ».

Les quelques exemples suivants illustreront mon propos : ce n’est que le 16 juillet 1995 que J. Chirac, peu de temps après son élection à la tête du pays, a prononcé un discours commémoratif sur la rafle du "Vel d’Hiv" (16-17 juillet 1942), dont la teneur suit : « Ces heures noires souillent à jamais notre histoire et sont une injure à notre passé et à notre tradition... La folie criminelle de l’occupant a été, chacun le sait, secondée par des Français, secondée par l’État français »...

Ce n’est qu’en juin 1999 que l’Assemblée nationale a adopté un texte reconnaissant que les "évènements d’Algérie" étaient bien une guerre. La "guerre d’Algérie" est depuis lors inscrite dans les programmes scolaires nationaux. Entre ces deux avancées significatives, les archives sur la guerre d’Algérie, fermées jusqu’alors, ont pu être réouvertes.

Ce n’est que le 21 mai 2001 que la Loi Taubira, "tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité", a été définitivement adoptée. (À ce propos, on serait en droit de s’étonner du regrettable participe présent "tendant").

Ces "coups de rétroviseur", pour tardifs qu’ils aient été, montraient cependant une louable volonté de regarder le passé colonial de la France "droit dans les yeux".

Mais tout récemment, au prétexte "d’équilibrer" l’histoire, le législateur a fait machine arrière, en voulant imposer une vision positive de notre histoire coloniale (c’est, bien sûr, du fameux et controversé article 4 de la loi du 23 février 2005, qu’il est ici question) : cette version officielle était pourtant déjà enseignée dans les écoles ! De plus, selon l’institut CSA, 64% des Français souhaitent que les programmes scolaires reconnaissent le "rôle positif" de la colonisation (résultats publiés dans le Nouvel Obs du 2 décembre 2005).

Ainsi, c’est à un véritable sursaut (d’agonie, espérons-le) du "désir d’amnésie", que nous assistons en ce moment ! Ce puissant mécanisme psychologique de défense est un des moyens employés par le psychisme de l’individu ou du groupe, pour refouler un sentiment de culpabilité qui, s’il affleurait à la conscience, serait trop pénible à supporter. Sous les fallacieuses et bruyantes affirmations de "fierté éprouvée pour l’œuvre accomplie par la France outre-mer", se cache le dangereux mécanisme du déni. Ces citoyens prétendument "décomplexés" cherchent en réalité à se convaincre eux-mêmes de leur illusoire sérénité face au passé de la France coloniale. Ces assertions trop appuyées, trop répétées, sont suspectes : elles ressemblent à s’y méprendre à une "méthode Coué" pervertie ! Méthode Coué qui s’accompagne d’accusations "d’autoflagellation" ("trouvaille" de Philippe Seguin en 1997, en réaction aux trop nombreux actes de contrition auxquels se livraient, d’après lui, les responsables politiques, au sujet du gouvernement de Vichy) à l’endroit de leurs adversaires ; ces déclarations, manipulatrices et répétitives, sont destinées à intimider ceux qui ne pensent pas comme eux, ainsi qu’à rallier les indécis dans leur camp : sur ce dernier point, il semble malheureusement que leur "lavage de cerveaux" ait porté ses fruits : comme indiqué précédemment (sondage CSA), 64% des Français n’ont bien évidemment pas envie de passer pour des adeptes d’un mea culpa, aux relents judéo-chrétiens.

S’il faut admettre, à la décharge des partisans de l’article 4, que certains se complaisent dans une forme de repentance malsaine, il n’en est pas moins vrai que le repentir est un réel progrès par rapport au déni, véritable bombe à retardement !

Après le déni et le repentir, n’y aurait-il pas un troisième seuil à atteindre, celui de la RESPONSABILITÉ ! RESPONSABILITÉ ne signifie pas CULPABILITÉ ; la RESPONSABILITÉ n’est pas pathologique, contrairement au DÉNI ou au REPENTIR : la RESPONSABILITÉ reconnaît et assume les erreurs passées, et autorise à aller de l’avant, alors que le DÉNI tétanise, et que le REPENTIR ralentit.

On pourrait caractériser ces trois étapes de la manière suivante : le déni REFUSE (un héritage trop lourd à porter) ; le repentir CULPABILISE (l’héritage est conscient mais "alourdit" la mémoire) ; la responsabilté LIBÈRE (l’héritage est reconnu et assumé). Trois degrés donc, mais aussi trois positionnements leur correspondant : 1) au DÉNI la mauvaise foi, les "projections" (au sens psychologique du terme) et les manipulations, entraînant les héritiers spirituels des colonisés dans un processus d’insurrection. 2) Au REPENTIR un complexe d’infériorité, une attitude de soumission et des actions réparatrices, entraînant les héritiers spirituels des colonisés dans un processus de victimisation. 3) À la RESPONSABILITÉ le respect de soi et des autres, la recherche d’autonomie pour soi et pour les autres, entraînant chez les héritiers spirituels des colonisés... les mêmes qualités morales !

Tout ceci est à mettre au conditionnel, ce n’est qu’un parallèle avec ce qui peut se passer pour une personne en voie de guérison (les "héritiers spirituels des colonisés" pouvant parfaitement effectuer ce travail de résilience sans évolution correspondante des "ex-colons", mais les conditions de réussite de ce travail seraient bien meilleures avec !).

Mais comment parvenir à ce résultat ? Après la psycho-généalogie pour les individus, ne faudrait-il pas inventer une "socio-généalogie" pour les grands groupes ? Colonisateurs et colonisés confondus ? Après la RÉSILIENCE des individus, la RÉSILIENCE des peuples ?


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1 réactions à cet article    


  • (---.---.162.15) 12 décembre 2005 18:45

    Euh oui, oui, vous avez sans doute raison, mais c’est du blabla comme celui de Chirac ou Villepin. Il est devenu inutile de tourner autour du pot ou de faire une commission ou un article sur la Responsabilité quand on est d’accord sur le fait qu’une telle recommandation n’a pas sa place dans une loi. On a assez glosé, il s’agit maintenant de demander un rapide passage à l’acte : retirer cet article de loi. C’est cela être vraiment responsable.

    Am.

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