Moteur !

L'essence de l'interdit
Longtemps, j'ai cru qu'une distinction aisée à saisir existait entre véhicules à moteur et bicyclette. Comme tout un chacun, le besoin d'une dichotomie claire permettait aisément de se repérer dans la société, d'établir des catégories et de comprendre et d'adhérer aux règles, codes et règlements qui encadraient les uns et les autres.
Ainsi, bien que nous grandîmes avant la création du BSR, nous avions tous compris et admis qu'il existât alors une barrière symbolique que nous avions tous hâte de franchir afin de pouvoir enfourcher nos mobs dans le respect des règles de la circulation. Bien sûr, je n'irai pas jusqu'à certifier que nous n’enfreignîmes point quelques principes réglementaires mais c'était à la marge et loin du regard des adultes.
Nous avions acquis l'évidence qu'avant 14 ans, pour se mouvoir et acquérir une plus large indépendance, seule notre bicyclette nous ouvrait de grands horizons, n'hésitant jamais à parcourir la campagne au risque de croiser des automobilistes évoluant alors sans aucune limitation. Chose extraordinaire qui devrait provoquer stupeur et incompréhension chez les plus jeunes, nous le faisions uniquement à la force du jarret.
Une autre frontière se dressait devant nous : celle des 18 ans qui devint aussi celle de la majorité et du droit de vote mais fut auparavant celle du droit à passer le permis de conduire. Cette perspective, peu ou prou, coïncidait avec le passage du baccalauréat ou pour d'autres de l'entrée dans la vie active. La voiture n'était bien souvent que celle des parents qui acceptaient de temps à autres de la prêter sous conditions.
Depuis, au fil des époques, tout s'est accéléré jusqu'à en perdre les pédales avec le couronnement du moteur électrique. Repères, règles, limites ont été jetés par-dessus bord tandis que nul n'est en mesure d'établir des lois qui précèdent une nouvelle innovation. Ajoutons la disparition d'une police de proximité et d’îlotage et la loi de la jungle règne en maîtresse absolue sur les trottoirs, pistes cyclables et espaces partagés.
D'assistance électrique nous sommes allègrement passés à traction électrique sur des engins où certains ne se donnent même plus la peine de pédaler et ce dès le plus jeune âge. Non seulement l'obésité fait déjà des ravages chez nos futurs culs-de-jatte mais plus encore, ils se meuvent avec un véhicule à moteur bien avant leurs 14 ans, sans le moindre souci de sécurité et de respect du code.
Pire encore, la surenchère devant la passivité coupable de la police pousse les adeptes de cette mobilité nucléaire à ne pas devoir respecter une vitesse acceptable quand ils se trouvent sur un trottoir ou une piste cyclable. Ils foncent tête baissée et surtout non protégée puisque personne n'ira jamais leur demander de porter un casque qui n'est pas destiné à proposer de la musique.
Toute la gamme des possibles s'offre alors à eux pour choisir une mobilité motorisée anarchique, avec, chose étrange et désolante, l'assentiment des élus qui favorisent toutes leurs transgressions au nom d'une politique, sans garde-fous, des déplacements urbains. Ce sont bien là des véhicules à moteur dès l'instant où l'assistance cesse de servir d'alibi et pourtant aucune loi n'en fixe véritablement l'usage et les contraintes.
Quant aux vélos lourdement chargés qui foncent en transportant enfants ou matériaux, il est raisonnable de s'interroger sur leur capacité à s'arrêter en cas de péril lorsqu'ils se trouvent mêlés à des malheureux piétons, qui ont tout intérêt à se pousser quand résonnent les sonnettes vindicatives de ces furieux qui nonobstant leur vitesse, ne dédaignent pas téléphoner en fendant les obstacles.
Là encore, l’absence de régulation règne dans cette jungle urbaine où désormais la loi du plus rapide se trouve en concurrence avec celle du plus gros, alors que dans les mêmes temps, les automobilistes sont aimablement priés ou incités à venir gonfler les rangs de ces furieux.
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